VISION #46 - Sarah Balhadère

 
 

La peau lisse. Le teint olive. Méditerranéen presque. Les pommettes tachetées. Le regard camouflé. Elle vous observe sans que vous ne vous en doutiez. Tapis derrière sa curiosité. Elle entend ce que vous ne dites pas. Devine les mouvements que vous vous refusez. Par pudeur. Timidité. Peut-être même par lâcheté. Elle les voit pourtant. Vos élans. Elle les capture. Sur un miroir. Elle vous tend votre reflet. Tel qu’il fut. L’instant d’avant. Un clic. Et le tour est joué. À tout jamais. 

Elle vous montre ce que vous ne serez jamais plus. Un souvenir pour les instants d’après. Et maintenant c’est à moi de tendre son reflet. À l’encre noire. Chacun son miroir. Le clic et la plume. Tous deux sur papier. Ne te méprends pas lecteur. Sa gâchette ne capture pas le monde. Pas plus que mon rayon n’arrête son profil.

 
 
Photo : Sarah Balhadère, première image décrite dans le podcast
 
 

Chaque vision est singulière, porteuse de sens et de changement. Le but de ce format est de rassembler de nombreux artistes et que chacun nous délivre sa vision et son expérience de la photographie.

 
 
 
 
 

Nous ne donnons qu’à voir - par petits bouts - de 35 millimètres ou d’A4 - ce que tu restes libre de croire… Mais en pensant à Sarah - j’ai repensé à cette phrase de Proust : La bonté ne lui plaisait pas que comme une élégance. Pourtant. Sarah est l’envers de Violante. L’élégance - pour elle - ne peut être autre chose que le fruit d’une bonté. Je triche lecteur ! Je le sais. Je définis par la négative. Patience. Tu vas voir où je veux en venir.



Violante a fait un choix : celui de la rancœur. Qui mène à la vacuité. Sarah en a fait un autre : celui de l’indulgence. Qui autorise à s’émerveiller - de nouveau. Oui ! Sarah s’émerveille de tout. D’un lacet de bitume prévenant une colline de tomber à l’eau. De gâteaux industriels offerts dans les tavernes grecques à l’heure de l’addition. De draps érigés par le sommeil en montagnes escarpées. D’un horizon aligné sur le zénith. D’un corps nu flotté dans l’eau. D’un visage de vieillard qui dérobe la lumière à la pénombre. D’une chienne assise dans une poussette conduite par une octogénaire bariolée. D’une enfant encore chétive sautant des épaules grasses de son père en train de couler.

 
 
 
 

Ne va pas croire - lecteur - que ceci soit inné. Pas plus que Violante soit née blasée. L’émerveillement est un choix. Il est réfléchi, mûri, pesé, décidé. Justement. Parce qu’un jour. Il a été contesté. Dénié. Corrompu. Bafoué. Violante ignorait qu’elle avait la force de dépasser ses désillusions. Elle a préféré collaborer avec sa lâcheté. Sarah - elle - a choisi de résister. Au service de son courage. Qui lui a montré. Qu’elle était assez forte pour les surmonter.

 
 
Photos : plus haut, photographies de l'intime, ici — deuxième image décrite 
 
 
 

«  Dans ma pratique, je sentais qu’il me manquait quelque chose et je pense que j’avais besoin de revenir à une pratique plus artisanale : manipuler la matière, sentir le papier, passer des heures sur une seule image… »

– Sarah Balhadère

 
 
 
 
 
 
 

Qu’elle était capable de toutes les subir. Qu’il était préférable de s’ouvrir à la surprise. Plutôt que de s’enfermer dans l’indifférence. Sarah remercie tout. Tout et tout le monde. Oui ! L’étonnement conduit à la gratitude. Sarah ne s’excuse de rien. Non ! Car la joie n’est jamais coupable. Ne va pas croire lecteur - que je décrive là un être de lumière - un ange descendu sur terre - La Sarah a son caractère. Un caractère bien trempé. Sache seulement qu’il est possible que ce soit de douceur - et qu’il est bon - oui - qu’il est bon. De se laisser éclabousser.

 
 
 
 
 
 

Benjamin Cazeaux-Entremont, écrivain et co-fondateur de la résidence d’artiste La Chapelle Saint-Antoine, a écrit ces quelques lignes pour dresser le portrait de notre invitée. Photographe de l’intime, de la mémoire, jonglant avec la lumière (naturelle) et les couleurs, souvent très vives, poussées à leur paroxysme par le tirage argentique, le travail de Sarah Balhadère retenait notre attention depuis quelque temps déjà.

Dans ce podcast, brillamment accompagné par la musique de Broshuda, la photographe évoque son parcours et de nombreux sujets passionnants : son rapport singulier à la couleur et au tirage et les émotions et sensations qui en découlent, le lien très fort à la musique dans son travail et cette recherche de « l’état de flow », l’importance de la collaboration et de l’exercice de la résidence.

 
 
 

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Crédits :

Un texte écrit par Benjamin Cazeaux-Entremont, un podcast réalisé et écrit par Aliocha Boi, produit par Noyau.studio, monté et mixé par Virgile Loiseau et mis en musique par Broshuda.

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